Devis à 35 000 euros, cocktail de tranquillisants : radié en Angleterre, le dentiste officiait en France, une patiente meurt

La justice enquête sur la mort d’une sexagénaire venue se faire soigner en Gironde, dans le sud-ouest de la France, à l’été 2023, par un dentiste britannique radié depuis deux décennies en Angleterre.

Mis en examen récemment pour « homicide involontaire » et « non-assistance à personne en péril », ce praticien d’une soixantaine d’années est sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter la France et d’exercer sa profession.

Un an après le décès, les enfants de la victime tentent toujours d’en comprendre les circonstances, alors que le suspect avait été sanctionné outre-Manche pour une série de fautes et malversations professionnelles, dont le fait d’avoir facturé d’importantes sommes à des patients pour des interventions jugées « inutiles », selon d’anciens articles de la BBC et du Guardian.

Elle lui dit « connaître quelqu’un »

À l’été 2023, n’ayant pas trouvé de solution pour ses problèmes d’implants en Guadeloupe, où elle passait sa retraite, Florence Taillade, 68 ans, avait contacté une dentiste en métropole sur les conseils d’un proche, raconte son fils Guillaume Bonvoisin, 48 ans.

Cette dernière, basée à Gujan-Mestras près d’Arcachon, aujourd’hui mise en examen pour non-assistance à personne en péril, lui dit alors « connaître quelqu’un » qui pourrait intervenir : un collègue britannique exerçant à Paris et Bordeaux, relate Me Philippe Courtois, avocat des parties civiles.

Extraction de six dents puis pose d’implants : cette opération d’envergure est d’abord estimée à 20 000 euros. Mais « le lendemain, elle a reçu le devis et c’était passé à 35 000 euros », ajoute Guillaume Bonvoisin, document à l’appui.

Sa mère accepte néanmoins, estimant que celui qu’elle prenait pour « un grand ponte » lui accordait « une faveur », expliquent Marjorie Bonvoisin, 44 ans, fille de la victime, et son frère. L’avocat français du Britannique, Me Rudyard Bessis, a nié toute « dérive mercantile ».

Arrêt cardiaque

Le 3 juillet 2023, quelques heures après avoir déposé sa mère au cabinet de Gujan-Mestras, Guillaume Bonvoisin apprend de la police municipale qu’elle a fait « un problème cardiaque » et qu’il doit venir « immédiatement ».

Première zone d’ombre : les secours auraient été appelés tardivement, « 15 minutes après les premiers signes d’arrêt cardiaque », selon Me Courtois. Interrogé par le quotidien régional Sud-Ouest, Me Bessis a contesté ce délai.

En arrêt cardiorespiratoire, Florence Taillade décède le lendemain au CHU de Bordeaux. Elle sera ensuite incinérée.

Valium, Stilnox et Xanax

Selon les enfants, l’hôpital a suspecté d’abord « une allergie » à l’anesthésiant. Des analyses ultérieures ayant montré une possible « réaction toxique », la famille se rapproche d’une association d’aide aux victimes d’erreur médicale et réclame des recherches plus poussées.

L’analyse d’un échantillon de sang conservé en virologie – la famille ayant autorisé un don d’organes – fait apparaître « du Valium, du Stilnox et du Xanax », trois tranquillisants dont le premier « en belle quantité », souligne Guillaume Bonvoisin. Interrogé sur ce point, le parquet n’a pas donné suite.

Me Bessis affirme pour sa part que son client a seulement donné « un comprimé » à Mme Taillade pour « la détendre », « eu égard à son état psychologique ». « C’était une personne qui venait en urgence, stressée depuis plus d’un mois, (avec) des douleurs dentaires disproportionnées (…) elle en hurlait », assure-t-il.

Cocktail de médicaments ?

Selon les enfants, en amont de l’intervention, Mme Taillade avait accepté de prendre du Valium : « Ca la rassurait », indiquent-ils, ajoutant que leur mère n’avait recours habituellement qu’à l’homéopathie.

« Il avait promis à maman qu’elle ne sentirait rien, il a dû lui coller la dose », suppose Marjorie Bonvoisin.

L’avocat du dentiste répond que son client n’a pas administré tout ce « cocktail » de médicaments. Il a fait appel des ordonnances du juge d’instruction et demande d’avoir accès au « dossier médical partagé » pour comprendre « d’où vient ce cocktail ».

« Anormal d’exercer »

Il déplore que le « passé » et la radiation outre-Manche de son client, également sous le coup d’une procédure ordinale à Paris, soient « mis en avant » dans ce « drame ».

Pour Me Courtois, « ce ne sont pas les mêmes fautes » mais « à partir du moment où vous êtes radié dans un pays, c’est anormal de pouvoir exercer ailleurs ».

« Quand vous êtes radié en Angleterre, ça n’a aucun rapport avec la France », rétorque son confrère – lui-même ancien dentiste radié en France, de ses propres dires.

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