Un échec intolérable du système de santé

Ma collègue Justine Mercier a dévoilé les détails de cette sordide histoire dans Le Droit. Un récit qui suscite de l’indignation partout, y compris dans les couloirs de l’Assemblée nationale, à Québec.

Avec raison.

On dit souvent que le degré de civilisation d’une société se mesure à la manière dont elle traite ses sujets les plus vulnérables. Dans le cas de Benoît Lauzon, décédé beaucoup trop tôt à 28 ans, le Québec n’a pas de quoi pavoiser.

Le député libéral André Fortin a été jusqu’à dire que le gouvernement du Québec doit des excuses à la famille du jeune homme, double victime d’une erreur médicale et de maltraitance dans la ressource intermédiaire où il était hébergé.

Difficile de ne pas lui donner raison.

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Je résume l’histoire: Benoît Lauzon est mort à l’hôpital de Hull d’une pneumonie subite en 2021. Sa mère, Christiane Latour, s’explique mal ce décès soudain. La veille, on lui affirmait pourtant que son fils répondait bien aux traitements. «Bye, bye maman», lui lance-t-il avant qu’elle ne le quitte pour la nuit.

Le lendemain, il meurt d’une septicémie — une infection rapide et généralisée. La mère ne comprend pas. Elle quête des réponses. Mais on lui annonce qu’il n’y aura pas d’enquête du coroner. Et que faire faire une autopsie lui coûterait 10 000 $.

La mère se résigne. Elle pleure son fils, fait son deuil.

Seize mois plus tard: double choc.

Le CISSSO lui apprend que son fils adoré a été victime d’une erreur médicale peu avant sa mort. Et la commissaire aux plaintes lui apprend que Benoît a été victime de «maltraitance organisationnelle par négligence» à la ressource intermédiaire La Victorienne, où il était logé aux frais de l’État.

Double choc pour la mère qui doit refaire le deuil de son fils dans des circonstances pénibles. Et double scandale pour le système de santé qui a failli de manière retentissante à prendre soin d’un jeune homme vulnérable.

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Il y a toutes sortes de raisons de s’indigner devant cette histoire.

Que l’État ait mis plusieurs mois avant d’intervenir pour régler les problèmes de maltraitance dans une résidence qui accueille des gens parmi les plus vulnérables de la société en est une. C’est inadmissible.

Mais ce qui m’indigne le plus, à la lecture du reportage fouillé de ma collègue, c’est cette histoire d’erreur médicale révélée 16 mois après les faits.

Le jour de son décès, on a administré à Benoît 5 fois la dose prescrite d’Ativan. Peu après, le jeune homme a sombré en détresse respiratoire, son cœur s’est mis à battre à toute allure, il a glissé dans un état comateux. La surdose a contribué au décès, a conclu la coroner, sans toutefois conclure qu’elle avait provoqué la mort.

Et c’est là que je m’indigne: je ne peux m’empêcher de penser qu’au moment du décès de Benoît Lauzon, quelqu’un de l’équipe de soins SAVAIT qu’une erreur médicale avait été commise. Et pour des raisons que personne ne veut nous expliquer, on a préféré taire ce détail embarrassant à la mère. Ce qui, en partant, est inacceptable, malhonnête et révoltant.

Si c’est moi qui avais été à la place de la mère, si c’est moi qui étais le père de Benoît, j’aurais voulu qu’on me révèle l’existence de l’erreur médicale. Je ne sais pas ce que j’aurais fait. Peut-être aurais-je embauché un avocat pour poursuivre l’hôpital. Peut-être aurais-je pardonné. Je l’ignore.

Mais j’aurais voulu savoir.

Aujourd’hui, j’ai en tête la même question que pose la mère, la question centrale que pose cette histoire et à laquelle on n’a pas de réponse: «Il y en a combien, des erreurs comme celle-là, dont on ne parle pas?»

Cette triste histoire n’est pas qu’un échec du système de santé, elle questionne jusqu’à son intégrité. J’allais presque dire: son honnêteté.

Et la réponse du CISSS de l’Outaouais n’est pas pour me rassurer. L’organisation confirme l’erreur médicale, mais sans expliquer les circonstances dans laquelle elle s’est produite. Le CISSSO assure avoir pris différentes mesures pour éviter qu’une telle erreur se reproduise. Bref, l’organisation nous dit: faites-nous confiance, on a la situation bien en main.

Ah oui?

Comment faire confiance à une organisation qui, en tout premier lieu, a été incapable de vous informer qu’une erreur médicale avait été commise? Qui a mis 16 mois avant d’admettre le fait? Et encore, qui l’a fait sous la pression de deux enquêtes, celle de la commissaire aux plaintes et celle du coroner? Et qui, encore aujourd’hui, refuse d’en dévoiler les circonstances?

Je sympathise avec la mère de Benoît. Avoir su, a-t-elle confié à ma collègue Justine Mercier, elle n’aurait jamais quitté le chevet de son fils.

Moi non plus.

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