ACTUALITÉ
OGM
Publié le
26 janvier 2024
Les aliments issus des nouveaux OGM, dits NGT, ne seront pas étiquetés, et les consommateurs n’en seront plus informés. C’est ce qui découle du vote des eurodéputés de la commission Environnement, le 24 janvier. Il n’y aura ni évaluation des risques ni traçabilité pour un large pan des nouveaux OGM. Autre conséquence : le bio ne sera pas protégé des contaminations.
« Rejected »… « Rejected »… « Approved »… Les votes se succèdent au pas de charge, amendement par amendement, dans le petit hémicycle situé au 4e étage du Parlement européen, à Bruxelles. C’est Pascal Canfin, eurodéputé français membre de Renew (centre-droit, dont sont membres Renaissance et le Modem), qui préside cette séance de la commission Envi (commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire) du Parlement européen, le 24 janvier 2024. Il égrène les résultats en anglais, mais il est facile de comprendre la litanie… Sur les bancs de la gauche, les mines s’assombrissent.
Plus de 1 000 amendements
La salle est comble ‒ les eurodéputés aux premiers rangs, leurs assistants et les journalistes au fond, les nombreux traducteurs dissimulés par de larges vitres fumées. Il faut dire que le dossier est sensible : la commission Envi vote sur un texte législatif proposé par la Commission européenne, en vue de réglementer les nouveaux OGM, dits NGT, pour « new genomic techniques ». Plus d’un millier d’amendements ont été déposés par les différents groupes politiques. La quasi-totalité de ceux portés par les groupes de gauche et écologistes ‒ S&D, Greens/EFA, The Left ‒ sont rejetés lors de cette séance, menée à une cadence infernale. En revanche, ceux déposés par les groupes Renew, PPE et ECR (les droites respectivement libérale, conservatrice et eurosceptique) y échappent. Il s’agit pour la plupart d’amendements de compromis, fruits de négociations entre la rapporteure du dossier, la suédoise Jessica Polfjärd (PPE), et les différents groupes politiques du Parlement.
Le vote final conclut cette course de vitesse législative : la proposition de la Commission, modifiée par les amendements fraîchement votés, est adoptée par 47 voix contre 31. À première vue, ces NGT sont désormais réglementés. En réalité, il s’agit davantage d’une dérégulation.
Pas d’évaluation des risques ni de traçabilité
En effet, la plupart des OGM produits grâce à ces nouvelles techniques de sélection échapperont à tout encadrement, car ils seront considérés comme équivalents à des plantes sélectionnées de façon traditionnelle ‒ sachant que ce terme inclut les mutations provoquées par irradiation ou exposition à des substances chimiques, des méthodes de sélection des plantes utilisées depuis des décennies. Il n’y aura donc pas d’évaluation des risques, pas de traçabilité, donc aucune possibilité d’étiquetage pour l’information des consommateurs. Conséquence, ces derniers ne pourront plus faire le choix d’exclure les futurs OGM de leur alimentation.
Autre effet redouté par les opposants au texte, une pollution inévitable des cultures biologiques, amenant les producteurs à perdre leur labellisation. La réglementation bio interdit en effet les OGM. Mais en l’absence de traçabilité, il sera désormais impossible de savoir si les champs en bio sont environnés de cultures génétiquement modifiées, et le risque de perte de confiance des consommateurs est majeur.
Un processus « inhabituellement rapide »
Les élus des différents groupes de gauche ont beau s’être mobilisés, ils ont perdu cette bataille pourtant cruciale. Ils espéraient faire basculer quelques votants hésitants après la publication, le 21 décembre dernier, d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) critiquant la proposition de la Commission (lire l’encadré). Mais rien n’y a fait. L’espoir d’infléchir le vote en séance plénière du Parlement, le 7 février prochain, est ténu.
« Ce résultat est désastreux mais ce n’est qu’une étape, nous continuerons le combat, affirme le député Christophe Clergeau (S&D), rapporteur fictif sur ce dossier. Je ne suis a priori ni pour ni contre les NGT, mais je ne suis pas pour une fuite en avant techno-solutionniste. Or, il y a une fascination irrationnelle devant cette technologie, qui empêche certains élus de débattre de l’évaluation des risques et de toute mesure de gestion. » Il s’étonne également de la rapidité « inhabituelle » à laquelle ce processus législatif a été mené, « sous la pression des lobbys et au détriment du débat démocratique », accuse-t-il. Il déplore de n’avoir pas eu le temps de faire appel à des scientifiques spécialistes du sujet, malgré sa complexité. « Si on en reste là, les consommateurs n’auront aucune information sur ce qu’ils mangent ; les agriculteurs des filières sans OGM n’auront aucune protection contre des contaminations. C’est l’abandon de toute régulation », conclut-il.
En parallèle, la quasi-totalité des groupes politiques de l’Assemblée nationale (sauf Les Républicains et l’extrême-droite) devraient déposer dans les prochains jours, sous la houlette du député Stéphane Delautrette (Parti socialiste), une proposition de résolution européenne pour s’opposer au projet porté par la Commission et faire pression sur le gouvernement français.
Rendez-vous est donné le 6 février, à Strasbourg, par les opposants au texte, parmi lesquels de nombreuses ONG françaises et européennes (Pollinis, Les Amis de la Terre, Greenpeace, la Confédération paysanne, la filière bio, etc.). Un débat au Parlement européen a été demandé par la coalition de gauche et écologiste ce jour-là, veille du vote en plénière, autour de l’avis de l’Anses. Le Conseil devra ensuite se positionner. Quel sera le choix de la France ? Le gouvernement, a priori favorable à la libéralisation des NGT, avait annoncé attendre l’avis de l’Anses pour se prononcer…
L’Anses pointe une absence de base scientifique
Dans un document très technique d’une quarantaine de pages, l’Anses analyse sévèrement la proposition législative de la Commission européenne, plus précisément la partie portant sur les plantes NGT dites « de catégorie 1 » (1). L’agence relève que les différentes catégories de plantes NGT et les techniques de sélection utilisées ne sont pas précisément définies, mais aussi que les critères avancés pour exempter les NGT de catégorie 1 de la réglementation OGM, au motif qu’elles seraient équivalentes à des plantes obtenues par sélection classique, ne sont pas étayés scientifiquement. L’Anses déplore enfin que les risques potentiels soient insuffisamment pris en compte.
(1) Cet avis sera suivi prochainement d’un rapport plus complet portant sur l’ensemble de la proposition de la Commission.
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